Abstractions Fertiles

Nous avons dénoncé le fait, que ceux qui par une libre parole, se retournent contre la philosophie, sous le prétexte fallacieux, qu’elle « n’apporte et ne sert à rien ».
Elle développerait donc un discours, d’une généralité excessive, trop abstraite ou extrême, qui n’implique aucune efficience.
C’est d’un constat des plus idiot et des plus outranciers.
La philosophie crée des logiques, des schémas cognitifs, des lignes de réflexions, qui ont été reprises par des volontés de savoir appliqué à une positivité.
Dès le début de ce blog, nous pensons avoir montré que la pensée de Gaston Berger sur le temps a induit un raisonnement qualifié de « prospectiviste », utilisé par les grandes entreprises et les stratégies militaires.
Autre exemple significatif, les études de J.Piaget. Il récupéra la notion constructiviste de Kant du sujet/objet, pour faire dans ses laboratoire une épistémologie pratique ou génétique de la connaissance.
Et, nous pourrions citer bien d’autres cas…
Il ne convient pas à la philosophie de chercher une positivité dans la connaissance, il lui convient de mettre en œuvre les moyens de cette connaissance. 

La plus idiote : « Ça ne sert à rien ».
Ceux qui prononcent cela, vivant dans un système républicain, soit par ignorance, soit pour une volonté politique totalitaire, ignorent ou veulent ignorer, l’acquis de l'expression libre de la « Philosophie des Lumières ».
L’apport de la philosophie est unique : le droit à la parole.
Le droit de développer ses idées, sans subir une répression.
La philosophie véhicule, depuis Socrate, une indépendance souveraine de démonstrations logiques.
Que ceux qui dénigre cette « utilité » puisse l’obtenir dans tout système politique !
Ou même dans leurs relations...

Nous savons qu’une traduction plus radicale, demeura dans l’imaginaire philosophique : « Ce qui est rationnel est réel, ce qui est réel est rationnel ». Mais, qu’importe… !
Ce qui prime, est la reprise en main du constructivisme de Kant.
L’objet n’apparait que dans l’interaction cognitive d’un sujet et d’un donné, que l’on ne peut définir en soi. Il n’existe pas, une connaissance antérieurement à cette opération.
Le réel est une construction et non le reliquat d’une réalité préexistante, prédéfinie par un substrat éminent et suprême.
Ainsi, ce qui est effectif, ne peut être que rationnel, car construit par les objectivations de la raison.

On a voulu joindre Hegel, à cette abstraction réfléchissante, qui se reproduit d’elle-même, sans correspondre à une objectivation.
Mon point de vue, c’est qu’Hegel met en œuvre sa dialectique sur des contenus comme : le Droit, l’Histoire, la Religion, …Il n’a pas un vide d’objectifs.
Certes, il reste Idéalement dans l’articulation de sa pensée, mais s’efforce de rejoindre un réel.
Hegel est très souvent obscure, voire hermétique.
Il ne faut pas oublier que c'est un Idéaliste Romantique, au sens où il s'est embarqué dans " l’Idéologie et l'Epopée " transeuropéenne de Napoléon. 
En ayant vu Napoléon à cheval, il déclare en substance : " J'ai vu passer l'Histoire".
Puis, on a des réflexions du type :
- « Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion";
- « C'est par la révolte que l'on s'engage dans une lutte pour la liberté. ».

Il pense que sa dialectique, tournée vers le devenir, s'ajuste pleinement aux bouleversements historiques du moment.

Notre intention est donc d’effectuer une jonction, entre l’obstacle épistémologique et l’abstraction réfléchissante.
Il est évident, que la rationalité scientifique peut aboutir à un obstacle; selon les contenus de ses concepts, en un rapport vaguement intuitif à l’objet visé. Ce sont les conditions de la recherche : il y a achoppement, un butoir constitué par  la chaîne de raisonnement mis en œuvre.
Mais, qu’en est-il de l’abstraction réfléchissant ?
Il n’y a plus d’impasse, plus d’obstacle.
La pensée peut dérouler avec égarement un raisonnement dans l’espace de l’abstraction réfléchissante, mettre en œuvre l’hystérie d’une autonomie auto-suffisante, qui fait de l’abstraction une quasi psychose.
Les concepts se distribuent pour se distribuer, dans la redondance permanente des idées Egotiste d’un auteur/récitant, comme ce peut être le cas, dans la Phénoménologie.
L’obstacle n’est plus la finalité d’une impasse, le revers du raisonnement, il se transforme en vecteur, en une cinétique hallucinatoire - quasi psychotique-, où le réfléchi ne réfléchit que lui-même, sans plus aucun rapport avec l’abstraction empirique.
L’obstacle est devenu une errance sans finalité objective.
La pensée peut alors se réfléchir, ne réfléchir qu'elle même, sans incidence sur le réel, dans une suffisance narcissique.

En fait c’est très simple : la pensée scientifique peut se fourvoyer dans une impasse rationnelle, pouvant alors constituer un obstacle, dans la fonction projetée, de la connaissance d'un objet.
L’obstacle n’est pas à l’extérieur du raisonnement, mais dans les défectuosités du raisonnement même.
Le raisonnement ne pouvant circonscrire, atteindre son objectif.
L’intelligence scientifique, « encombrée » par ses modèles traditionnels, ne peut aborder un nouveau objet d’étude, qui  devient donc un obstacle - de par les défauts ou la vacuité de ses concepts, interne à son constructivisme.
L’obstacle épistémologique n’est qu’un manque de moyens conceptuels, en rapport à l’objet abordé, nécessitant une renaissance du raisonnement scientifique, défectueux dans la problèmatique ciblée.

Mon propos souligne, l’autonomie abstractive de certaines philosophie, qui tend vers « une cybernétique » des idées, se rapprochant, alors par une "surenchère" d'idéalité, de la notion de d’obstacle épistémologique.
Il convient avant tout, pour traiter ce sujet complexe, de revoir deux notions :
- l’Obstacle Epistémologique (dans les parcours de la pensée scientifique) défini par Gaston Bachelard ;
- et le concept, d’Abstraction Réfléchissante de Jean Piaget. 
Pour la clarté du sujet abordé, pour cette problématique, nous allons consacrer deux paragraphes à ces thématiques